Système électrique
Comment fonctionne le marché de gros de l’électricité ?
Le marché de gros de l’électricité recouvre plusieurs maturités :
- Les marchés à terme : pour sécuriser leur trajectoire financière, les fournisseurs d’électricité couvrent l’essentiel de leur approvisionnement sur les marchés à terme (quelques années à quelques jours avant la livraison de l’électricité) avec des produits « forwards » (produits sur-mesure échangés en gré à gré, dits « OTC » pour Over the Counter, ou par le biais d’un intermédiaire) et des produits « futures » (produits standardisés échangés sur les bourses de l’électricité). Le prix des produits à terme correspond à l’anticipation des prix des produits spot à ces différentes échéances. Les produits baseload fournissent un ruban de puissance constante (24h/7j), les peak load couvrent les périodes de forte demande (8-20h en semaine) et les off peak les heures de faible demande (20h-8h en semaine et les week-ends et jours fériés).
En France, depuis 2011 et jusqu’à fin 2025 et en parallèle des marchés à terme, le dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) permet aux fournisseurs d’acheter jusqu’à 100 TWh par an à un prix régulé. Pour chaque année de livraison N, les commandes d’ARENH ont lieu au mois de novembre de l’année N-1.
- Les marchés de court terme : à l’approche de la livraison, les fournisseurs, disposant d’une meilleure visibilité sur la consommation de leurs clients, équilibrent leur portefeuille sur les marchés de court terme via l’acquisition de « produits spot » (pour une livraison le lendemain) et de « produits infra-journaliers » (pour une livraison le jour même et jusqu’à une heure avant la livraison). Les prix de ces produits de court terme sont très volatils et reflètent l’équilibre offre demande de court terme (variation des températures, nébulosité, disponibilité des centrales de production ou des interconnexions…).
Stratégie de couverture simplifiée d’un fournisseur :

Sur le marché spot, le prix est fixé selon le principe de la préséance économique, ou merit order : les centrales de production européennes sont classées, pour chaque heure, dans l’ordre croissant de leur coût marginal (coût de production d’un kilowattheure supplémentaire). Les unités de production les moins chères sont retenues jusqu’à ce que l’ensemble de la demande européenne agrégée soit servie : les premières centrales appelées sont les centrales renouvelables à coût marginal nul (éolien, solaire, hydraulique fil de l’eau). Viennent ensuite les centrales nucléaires à coût marginal faible, l’hydraulique de barrage et enfin les centrales fossiles (gaz, charbon et fioul) aux coûts marginaux élevés. En effet, le coût marginal des centrales fossiles dépend des coûts de combustibles et du prix de la tonne de CO2.
Les transactions sont réglées au coût marginal de la dernière unité de production nécessaire à la couverte de la demande européenne agrégée. La marge réalisée par les producteurs par rapport au coût marginal de leur installation (appelé aussi « revenu inframarginal ») leur permet en théorie d’amortir leurs coûts fixes.

Le marché de gros de l’électricité permet ainsi, grâce à une utilisation optimisée des interconnexions, la sollicitation des centrales disponibles les plus compétitives et les moins carbonées en Europe pour une heure donnée :
- Lorsque les interconnexions ne sont pas saturées, le prix de gros de l’électricité est identique pour l’ensemble des pays interconnectés de l’Union européenne.
- La demande européenne est satisfaite à un coût de production moindre que si les marchés de chaque États membres n’étaient pas intégrés : de l’économie est réalisée si une production moins chère est disponible ailleurs.
- La France, en tant que principal exportateur d’électricité, fournit aux pays européens interconnectés une électricité à faible coût et à faible teneur en carbone, contribuant ainsi à diminuer les prix de l’électricité et les émissions de toute l’Europe et à réduire le déficit commercial de la France lié aux importations d’énergies fossiles.
En revanche, en raison de son horizon limité (3 ans en France et jusqu’à 5 ans en Allemagne) et de la forte volatilité des prix [1], le marché de gros de l’électricité n’est pas adapté pour assurer l’investissement dans de nouveaux actifs de production bas-carbone, en assurer la pérennité et permettre aux consommateurs de bénéficier de prix stables et prévisibles. Des dispositifs de soutien public au développement de la production renouvelable et des mécanismes de capacité visant à garantir la sécurité d’approvisionnement ont ainsi été progressivement mis en place.
Les mécanismes de capacité en Europe :
Le parc de production a fait face à d’importantes difficultés économiques au début des années 2010 : les revenus inframarginaux perçus sur le marché de l’électricité ne permettaient pas à certaines centrales, nécessaires pour répondre aux pointes de consommation hivernales, de couvrir leurs coûts de fonctionnement et d’investissements, ce qui risquait de conduire à leur fermeture et posait ainsi un problème de sécurité d’approvisionnement en électricité.
Ainsi, en complément du marché de gros qui rémunère la quantité d’électricité produite (en MWh), des mécanismes de capacité ont été introduits en Europe permettant aux États membres de rémunérer des exploitants (producteurs, stockeurs, opérateurs d’effacement) pour leur capacité (en MW) disponible sur les heures de pointes de consommation.
Le mécanisme de capacité en France :
Approuvé par la Commission européenne en novembre 2016 pour une durée de 10 ans, le mécanisme de capacité français est entré en vigueur en 2017. Les études de sécurité d’approvisionnement nationale et européenne soulignent le besoin d’un nouveau mécanisme de capacité en France à compter de novembre 2026.
Marquée en 2021-2022 par une crise des prix de l’énergie sans précédent, notamment liée à l’envolée des prix du gaz, accentuée par le conflit en Ukraine, l’Union européenne a dû de nouveau s’adapter en réformant en 2024 le cadre du marché européen de l’électricité. Cette réforme vise à réduire la volatilité des prix de l’électricité pour les consommateurs et offrir de la visibilité aux investisseurs dans les sources d’électricité bas-carbone, en encouragent notamment le développement des contrats long terme [2].
Notes
[1] Les prix de l’électricité sont dits « volatils » parce qu’ils peuvent fortement fluctuer en fonction de nombreux facteurs comme la quantité d’électricité produite, la consommation d’électricité, ainsi que le coût du combustible et le prix du CO2 pour les centrales thermiques fossiles
[2] De droit privé (type Power Purchase Agreement) ou contractés avec l’État (type Contract for Difference), les contrats long terme garantissent un prix sur des horizons plus étendus (plusieurs dizaines d’années) que les marchés de gros à terme.