Système électrique
Synthèse - Le fonctionnement du système électrique
Sommaire
- I. Quelles sont les infrastructures qui composent le système électrique ?
- II. Quel est le lien entre la facture des consommateurs et le marché européen de l’électricité ?
- III. Comment fonctionne le marché de gros de l’électricité ?
- IV. Quels cadres politiques et quels défis pour atteindre la neutralité carbone ?
I. Quelles sont les infrastructures qui composent le système électrique ?
Différents moyens de production coexistent au sein du système électrique, chacun avec des caractéristiques différentes dont les principales sont les suivantes :
- Moyens de production carbonés ou bas‑carbone : les centrales fonctionnant grâce à la combustion d’énergies fossiles (charbon, fioul et gaz) émettent des gaz à effet de serre lors de la production d’électricité, tandis que les moyens de production renouvelables (principalement l’hydraulique, l’éolien et le photovoltaïque) et nucléaires n’en émettent pas à l’usage [1].
- Moyens de production pilotables ou variables : les centrales nucléaires, fossiles et hydrauliques avec stockage sont des moyens de production pilotables au sens où leur activation et leur variation de puissance peuvent être pilotées. À l’inverse, l’éolien, le photovoltaïque et l’hydraulique fil de l’eau sont qualifiés de variables car leur production instantanée maximum dépend des conditions météorologiques (niveau de vent, d’ensoleillement ou débit d’eau). Sous réserve de l’installation de dispositifs de pilotage, ces moyens de production peuvent néanmoins moduler à la baisse l’électricité injectée dans le réseau.
La France se distingue par la part très élevée de nucléaire dans son mix électrique (67 % de sa production en 2024). Ainsi, en raison de la prédominance des sources de production bas‑carbone (le nucléaire, l’hydraulique, et plus récemment l’éolien et le photovoltaïque, en fort développement) et de la fermeture progressive des moyens les plus émetteurs (charbon et fioul), le mix électrique français, avec une intensité carbone de 21 gCO2eq/KWh en 2024, est l’un des moins émetteurs d’Europe.
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Une fois produite, l’électricité est ensuite injectée dans le réseau électrique :
- Le réseau de transport, composé des lignes à hautes et très hautes tensions, sert à transporter l’électricité produite par des centrales de forte puissance sur de longues distances, jusqu’aux gros consommateurs et au réseau de distribution. En France, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité est RTE.
- Le réseau de distribution est composé de lignes à moyennes et à basses tension. Les premières répartissent l’électricité aux échelles régionale et départementale, tandis que les deuxièmes alimentent en électricité les ménages, bâtiments publics et entreprises. En France, les gestionnaires du réseau de distribution d’électricité sont Enedis (sur 95 % du territoire) ainsi qu’une centaine d’entreprises locales de distribution (ELD).
Le volume d’électricité consommé varie à chaque instant selon la température, l’ensoleillement ou bien encore l’intensité de l’activité économique. En outre, l’électricité est aujourd’hui difficilement stockable en grande quantité et sur un temps long. Par conséquent, il est nécessaire d’ajuster en temps réel production et consommation pour maintenir l’équilibre du système électrique, un rôle assuré par RTE.
Historiquement, la forte part des moyens de productions pilotables a permis à l’offre d’électricité de s’adapter aux variations de la demande pour maintenir l’équilibre du système électrique. Bien qu’important pour assurer la décarbonation de l’économie européenne, le développement des énergies renouvelables variables complexifie de plus en plus cet équilibre. Dès lors, les solutions de flexibilités, telles que le pilotage de la demande, les moyens de production bas-carbone pilotables, le stockage et les interconnexions, jouent un rôle croissant en permettant de s’adapter à la variabilité des modes de production et de consommation.
Les interconnexions permettent l’échange d’électricité entre pays : elles ont ainsi u ne dimension physique (optimiser la gestion de l’équilibre du système électrique et améliorer la sécurité d’approvisionnement en permettant le soutien mutuel entre États) et économique (solliciter en priorité les moyens de production disponibles les plus compétitifs en Europe).

II. Quel est le lien entre la facture des consommateurs et le marché européen de l’électricité ?
La facture d’électricité des consommateurs se décompose en trois parts dont la taille varie selon l’année, le pays et le type de consommateurs :
- La part associée aux coûts de la fourniture d’électricité concerne l’approvisionnement en électricité. Elle est portée par le fournisseur qui est une personne morale titulaire d’une autorisation. Le fournisseur conseille, contractualise et approvisionne un ou plusieurs consommateurs finals (marché de détail) à partir d’électricité qu’il produit ou qu’il achète sur le marché de gros européen. Cette part permet de couvrir les coûts des moyens de production (énergie et capacité) ainsi que la commercialisation de l’électricité (dont le coût du dispositif des certificats d’économies d’énergie).
- La part associée au coût d’acheminement de l’électricité permet aux différents gestionnaires de réseaux de couvrir les charges engagées pour l’exploitation, le développement et l’entretien des réseaux. En France, cette gestion des infrastructures est couverte par le Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité (TURPE) [2]
- La part associée à la fiscalité est composée en France de deux taxes spécifiques :
- L’accise sur l’électricité [3] qui a fortement augmenté entre 2003 et 2016, initialement afin de soutenir le développement des énergies renouvelables électriques. Depuis 2017, les recettes de cette taxe alimentent directement le budget de l’État. Diminué à son minimum prévu par la directive européenne sur la taxation de l’énergie entre le 1er février 2022 et le 31 janvier 2024, dans le cadre du bouclier tarifaire, le montant de l’accise sur l’électricité a été revu à la hausse entre le 1er février 2024 et le 31 janvier 2025. Dans le cadre de la loi de finances pour 2025, le Gouvernement a de nouveau augmenté le montant normal de l’accise et a introduit une majoration de celle-ci visant à financer la péréquation territoriale [4].
- La contribution tarifaire d’acheminement (CTA) qui sert au financement d’une partie du régime des retraites du personnel des industries électriques et gazières.
Enfin, la TVA s’applique sur les parts fourniture et réseau de la facture, mais également sur les taxes spécifiques à l’électricité.
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III. Comment fonctionne le marché de gros de l’électricité ?
Pour sécuriser leur trajectoire financière, les fournisseurs d’électricité couvrent l’essentiel de leur approvisionnement sur les marchés à terme (quelques années à quelques jours avant la livraison de l’électricité). En France, depuis 2011 et jusqu’à fin 2025 et en parallèle des marchés à terme, le dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) permet aux fournisseurs d’acheter jusqu’à 100 TWh par an à un prix régulé.
À l’approche de la livraison, les fournisseurs, disposant d’une meilleure visibilité sur la consommation de leurs clients, équilibrent leur portefeuille sur le marché spot (veille pour le lendemain voire le jour même). Ce marché est très volatil et reflète l’équilibre offre‑demande de court terme (variation des températures, nébulosité, disponibilités des centrales de production ou des interconnexions…). Son prix est fixé selon le principe de la préséance économique, ou merit order : les centrales de production européennes sont classées, pour chaque heure, dans l’ordre croissant de leur coût marginal (coût de production d’un kilowattheure supplémentaire qui inclut le prix européen de la tonne de CO2). Les transactions sont réglées au coût marginal de la dernière unité de production [6] nécessaire à la couverture de la demande européenne agrégée.

Le marché de gros de l’électricité permet ainsi, grâce à une utilisation optimisée des interconnexions, la sollicitation des centrales disponibles les plus compétitives et les moins carbonées en Europe pour une heure donnée. En revanche, en raison de son horizon limité (3 ans en France et jusqu’à 5 ans en Allemagne) induisant une certaine volatilité des prix [7], il n’est pas adapté pour assurer l’investissement dans de nouveaux actifs de production bas-carbone, en assurer la pérennité et permettre aux consommateurs de bénéficier de prix stables et prévisibles. Des dispositifs de soutien public au développement de la production renouvelable et des mécanismes de capacité visant à garantir la sécurité d’approvisionnement ont ainsi progressivement été mis en place.
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Marquée en 2021-2022 par une crise des prix de l’énergie sans précédent, notamment liée à l’envolée des prix du gaz, accentuée par le conflit en Ukraine, l’Union européenne a dû de nouveau s’adapter en réformant en 2024 le cadre du marché européen de l’électricité. Cette réforme vise à réduire la volatilité des prix de l’électricité pour les consommateurs et offrir de la visibilité aux investisseurs dans les sources d’électricité bas-carbone, en encourageant notamment le développement des contrats long terme [8].
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IV. Quels cadres politiques et quels défis pour atteindre la neutralité carbone ?
Afin d’atteindre la neutralité carbone en 2050, l’Union européenne s’est dotée en 2020 d’un objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990. L’atteinte de cet objectif s’est traduite par l’adoption du paquet législatif « Fit for 55 » qui a des implications majeures pour le système électrique européen.
En France, l’atteinte de la neutralité carbone se traduit par la Stratégie française sur l’énergie et le climat (SFEC), constituée de quatre piliers : la loi de programmation [9], la Stratégie nationale bas‑carbone (SNBC), le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) et la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE).
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Le projet de PPE soumis à consultation en mars 2025 prévoit une forte accélération sur les énergies renouvelables, la prolongation de la durée de vie du parc nucléaire existant, sous réserve de sûreté, et la relance de la filière nucléaire française (EPR2 et petits réacteurs modulaires). Pour atteindre ces objectifs, les lois d’accélération relatives à la production d’énergies renouvelables et au nucléaire adoptées en 2023 simplifient les procédures administratives, en facilitant les investissements et en encourageant l’innovation.
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Atteindre la neutralité carbone nécessite une réduction massive et rapide de la consommation d’énergies fossiles. Celle-ci implique de renforcer l’importance accordée aux actions de sobriété et d’efficacité énergétique, afin de consommer moins et mieux l’énergie, et de poursuivre la décarbonation de la consommation énergétique. En complément, le système électrique a aussi un rôle crucial à jouer via :
- L’accélération de l’électrification des usages afin de remplacer la consommation de combustibles fossiles (véhicules électriques, pompes à chaleur, fours électriques industriels…) [10] ;
- La hausse de la production d’électricité bas‑carbone (renouvelables et nucléaire), qui devra graduellement se substituer aux énergies fossiles au sein du mix énergétique européen afin de produire suffisamment d’électricité pour répondre aux besoins d’électrification. Cette évolution implique un développement de nouvelles flexibilités (pilotage de la consommation, effacement, stockage, moyens de production flexibles…).
Assurer l’électrification des usages et garantir le raccordement et l’intégration des nouveaux parcs de production renouvelables nécessitent de développer et de moderniser les réseaux électriques.
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Notes
[1] Les centrales émettent également des gaz à effet de serre lors de leurs autres phases de cycle de vie (construction et démantèlement). C’est la raison pour laquelle il est préférable d’utiliser le terme « bas-carbone » plutôt que « décarboné » pour qualifier les énergies renouvelables et le nucléaire.
[2] Le TURPE est prévu pour des périodes tarifaires pluriannuelles. La prochaine devrait débuter le 1er août 2025.
[3] Anciennement dénommée Contribution au Service Public de l’Électricité (CSPE) puis Taxe Intérieure sur la Consommation Finale d’Électricité (TICFE).
[4] Le niveau normal de l’accise actuellement en vigueur jusqu’au 31 janvier 2026 est de 25,09 €/MWh pour les ménages et assimilés, et sa majoration s’élève à 4,89 €/MWh. Le montant normal de l’accise était de 21 €/MWh entre le 1er février 2024 et le 31 janvier 2025, contre 1 €/MWh entre le 1er février 2022 et le 31 janvier 2024, et 22,5 €/MWh auparavant.
[5] En France, les fournisseurs historiques (EDF et les entreprises locales de distribution) ont l’obligation de proposer des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVe) aux ménages ainsi qu’aux TPE et assimilés (art. L. 337-7 du Code de l’énergie). Ces tarifs sont évalués une fois par an, en février, et peuvent évoluer en août pour intégrer les évolutions du TURPE.
[6] La marge réalisée par les producteurs par rapport au coût marginal de leur installation (appelé aussi « revenu inframarginal ») leur permet en théorie d’amortir leurs coûts fixes.
[7] Les prix de l’électricité sont dits « volatils » parce qu’ils peuvent fortement fluctuer en fonction de nombreux facteurs comme la quantité d’électricité produite, la consommation d’électricité, ainsi que le coût du combustible et le prix du CO2 pour les centrales thermiques fossiles.
[8] De droit privé (type Power Purchase Agreement) ou contractés avec l’État (type Contract for Difference), les contrats long terme garantissent un prix sur des horizons plus étendus (plusieurs dizaines d’années) que les marchés de gros à terme.
[9] Créé par la loi de 2019 relative à l’énergie et au climat, puis complété en 2021 par la loi climat et résilience, l’article L100-1 A du Code de l’énergie dispose que cette loi devait être publiée avant le 1er juillet 2023, ce qui n’était pas le cas à la date de publication de la présente note.
[10] En 2050, l’électricité pourrait représenter 60 % de la consommation finale d’énergie de l’Union européenne, contre 23 % aujourd’hui (source : Eurelectric).