La précarité énergétique

La précarité énergétique est un sujet récurrent de l’actualité, notamment à l’approche de l’hiver et face à l’accroissement du phénomène dans le contexte économique morose actuel. Mais de quoi parle-t-on exactement ? Combien de personnes sont concernées en France ? Quels dispositifs sont ou pourraient être mis en place pour la prévenir ou la limiter ?

Synthèse

Un individu en situation de précarité énergétique désigne couramment toute personne dont les ressources financières ne lui permettent pas de se chauffer à un niveau de confort acceptable.

Plusieurs critères existent pour la mesurer, et l’estimation du nombre de précaires en France varie en fonction du critère retenu : critère financier en fonction du poids des dépenses en énergie dans le revenu, critère qualitatif selon les enquêtes sur le froid ressenti, critère « administratif » en fonction des personnes bénéficiaires automatiquement des aides mises en place (tarifs sociaux de l’électricité et du gaz)…
En fonction de l’un ou l’autre de ces critères, le nombre de précaires énergétiques diffère fortement et s’élève actuellement entre 3 et 6 millions de ménages, soit potentiellement près de 15% de la population.

Au-delà du volume de ménages touchés, l’évolution rapide du phénomène sur les dernières années est alarmante et doit inciter les politiques publiques à mettre en place des dispositifs mieux adaptés.
Certains dispositifs existent déjà, qu’ils soient curatifs (moindre facturation de l’électricité et du gaz pour les personnes éligibles aux tarifs sociaux) ou préventifs en agissant notamment sur l’une des sources du problème : la mauvaise performance énergétique du bâti (programme « Habiter mieux » de l’ANAH par exemple).
Toutefois, ces dispositifs apparaissent aujourd’hui insuffisants pour contrer la progression du nombre de précaires. C’est pourquoi l’actuel projet de loi pour la transition énergétique (PJLTE) prévoit de nouveaux dispositifs, comme par exemple l’instauration d’un « chèque énergie » permettant aux plus démunis d’alléger leur facture d’énergie, avec une logique « toutes énergies ».
Il est difficile de connaître exactement le nombre de personnes en situation de précarité énergétique actuellement en France. Des mesures existent déjà pour limiter cette situation, mais demeurent insuffisantes pour résorber le phénomène, en constante augmentation dans un contexte de stagnation de l’économie nationale. De nouveaux dispositifs sont prévus dans le PJLTE, bien qu’aucun instrument ne semble à même de lutter contre ce problème.

Définition

Le sujet de la précarité énergétique est depuis quelques années souvent mis sur le devant de la scène dans les médias, notamment à l’approche des jours les plus froids de l’année, mais aucune définition universelle n’a à ce jour été adoptée, chaque pays ayant sa définition propre.

La définition de la précarité énergétique retenue par la loi française (loi Grenelle II du 10 juillet 2010) est la suivante : « est en situation de PE une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ».

De manière générale, la précarité énergétique est la résultante de trois facteurs :

  • le revenu des ménages : plus le revenu disponible est faible, plus le poids des dépenses liées au chauffage sera conséquent ;
  • les prix de l’énergie : des prix élevés de l’énergie renchérissent le poids des dépenses énergétiques des ménages ;
  • les performances énergétiques du logement : un logement présentant des caractéristiques énergétiques médiocres et donc de fortes déperditions de chaleur rend plus vulnérable le consommateur, qui devrait accentuer son effort de chauffage pour obtenir une température convenable mais ne peut pas le faire financièrement.

Au niveau européen, il n’existe pas de définition communément adoptée par l’ensemble des Etats membres, en dépit des travaux menés par l’EPEE [1] de 2006 à 2009 sur cette question. Les deux directives adoptées le 25 juin 2009 sur le marché intérieur de l’électricité et du gaz abordent pourtant la « pauvreté énergétique », mais sans la définir. Une définition semble néanmoins émerger et pourrait être la suivante : « situation dans laquelle un ménage est obligé de dépenser plus du dixième de ses revenus pour régler les factures lui permettant de chauffer son domicile selon une norme acceptable, fondée sur les niveaux recommandés par l’Organisation mondiale de la Santé ». En réalité, seuls la France et le Royaume-Uni ont entériné une définition officielle de la précarité énergétique [2]

Le Royaume-Uni est le 1er pays européen à avoir conceptualisé l’état de précarité énergétique, dès 2001 : selon le principe du « faible revenu – dépenses élevées ». La « fuel poverty » concerne les individus dépensant plus de 10 % de leur revenu disponible pour obtenir un confort thermique adéquat de leur logement. Cette définition et le seuil de 10 % sont repris dans la majorité des études traitant de ce sujet, comme c’est le cas pour les acteurs concernés en France (Insee, ANAH…).

Ce qui ressort de ces multiples définitions ou propositions de définition est d’une part, le critère financier (part du revenu consacrée aux dépenses d’énergie) et d’autre part, le critère qualitatif de l’inconfort ressenti dans le logement, à partir d’une « norme acceptable » ou de « besoins élémentaires » de chauffage.

Le champ couvert par ces définitions peut toutefois être plus large et considérer l’ensemble des achats d’énergie des ménages, pour leur logement mais aussi pour leur mobilité – les dépenses d’énergie pour le transport pouvant représenter également une grande part du budget des ménages [3].

Comment la mesurer ?

Pour le cas français, deux critères ressortent de la définition de la précarité énergétique : le critère financier et le critère de confort.

Evaluer le nombre d’individus sujets à la précarité énergétique peut ainsi se baser sur des critères quantitatifs (statistiques sur le revenu des ménages et leurs dépenses) – on parle de « pauvreté monétaire », et qualitatifs (questionnaires sur le froid ressenti) – il s’agit alors de « pauvreté subjective ».

Plusieurs estimations du nombre de ménages ou d’individus en situation de précarité énergétique sont publiées en fonction de l’un ou l’autre critère.

  • L’Insee, grâce à son enquête « budget des familles » qui a lieu tous les cinq ans, calcule un taux d’effort énergétique en fonction de la part du revenu total des ménages consacrée aux dépenses en énergie. On parle de taux d’effort énergétique (TEE) pour désigner ce ratio. Un taux supérieur à 10 % caractérise des ménages en situation de précarité énergétique. Selon cette approche, 3,8 millions de ménages seraient concernés en 2011 [4] . En parallèle, l’ « Enquête nationale du logement » de l’Insee soumet les ménages interrogés à la question « au cours de l’hiver dernier, dans votre logement, votre ménage a-t-il souffert, pendant au moins 24 heures, du froid ? ». Selon la dernière enquête, datée de 2006, 3,6 millions de ménages seraient concernés.
  • L’ONPE (Observatoire National de la Précarité Energétique), créé en 2011 suite à l’adoption de la définition de la PE, établit annuellement une estimation du nombre de précaires en France. Son objectif est de « permettre de disposer d’une connaissance fiable et partagée du phénomène de précarité énergétique (…) afin d’informer et de contribuer à l’orientation des politiques publiques ». Afin d’améliorer la précision de l’estimation du nombre de précaires énergétiques en France, et pour pallier les limites de la définition purement économique de l’Insee, cet organisme calcule un autre indicateur, le BRDE pour « Bas Revenus, Dépenses Elevées », qui excluent des calculs les ménages ayant des revenus élevés, pour ne considérer que les ménages dont les revenus sont faibles et les dépenses énergétiques élevées. Ainsi, un ménage est en PE si ses dépenses d’énergie sont supérieures à la médiane nationale et si le revenu disponible du ménage (ie après versement d’impôts et paiement du loyer) est inférieur au seuil de pauvreté. Selon cet indicateur, le nombre de ménages concernés par la PE serait de 3,4 millions en 2006, soit un chiffre relativement proche de celui estimé par l’Insee.

Une autre information sur le comportement de restriction des ménages sur l’énergie sera bientôt disponible grâce à l’enquête Phébus (Performance de l’habitat, équipements, besoins et usages de l’énergie), actuellement menée par le MEDDE [5]. Cette enquête permettra de mesurer le comportement de restriction des ménages, en comparant l’estimation théorique de la dépense pour chauffer normalement un logement (à partir du diagnostic de performance énergétique du logement) et la facture réelle d’énergie pour ce logement. Les premiers résultats de cette enquête devraient être disponibles fin 2014.

Mais chacun de ces indicateurs présente un certain nombre de faiblesses, et n’inclut pas une certaine partie de la société, comme les individus marginalisés n’ayant plus du tout d’accès à l’énergie. Selon la fondation Abbé Pierre, plus de 600 000 ménages ayant un taux d’effort énergétique inférieur à 10 % et n’entrant donc pas dans les critères stricto sensu, se priveraient en réalité d’énergie. Les chiffres calculés par les organismes nationaux sous-estiment donc la réalité de la précarité en France mais permettent d’en donner un ordre de grandeur. En revanche, il est indéniable de constater la nette progression du nombre de foyers concernés par le phénomène lorsque l’on suit l’évolution d’un indicateur sur les dix dernières années, en particulier suite à la crise économique de 2009.

L’évolution de la précarité énergétique

En retraçant l’évolution du poids des dépenses d’énergie des ménages pour leur logement dans le total de leurs dépenses, il est intéressant de constater que ce poids est relativement stable depuis le début des années 1990, et reste inférieur à 5 %, alors que dans le même temps, les dépenses totales liées au logement ont nettement augmenté, dû au renchérissement des prix de l’immobilier.

Dans le détail par énergie, on observe en moyenne sur les quinze dernières années une stabilité de la contribution de chaque énergie dans les dépenses des ménages, l’électricité représentant le plus grand poids, étant donné que cette énergie est utilisée aussi bien pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire, que pour des besoins grandissants d’électricité spécifique (électro-ménager, informatique, audiovisuel, etc) :

Mais derrière cette stabilité au niveau global des dépenses des ménages en énergie, se cache une augmentation dramatique des ménages ne pouvant faire face à leurs dépenses en énergie pour leur logement.

La précarité énergétique aurait en effet nettement augmenté au cours de la dernière décennie, dans un contexte de renchérissement des prix de l’énergie et de crise économique. Le nombre de personnes ayant déclaré avoir eu froid pendant au moins 24 heures est ainsi passé de 10,3 % en 2002 à 14,8 % en 2006 (critère qualitatif), et le nombre de ménages présentant un taux d’effort énergétique supérieur à 10 % serait passé de 14 % en 2006 à 17 % en 2012 selon les premières estimations (critère financier).

C’est également le ressenti des responsables d’associations d’aide aux plus démunis agissant au plan local, qui témoignent de la forte augmentation des difficultés de la population à régler leur facture d’énergie, et de l’accroissement du nombre de coupures d’accès à l’énergie.

Quel est le profil des individus en situation de précarité énergétique ?

De nombreuses études [6] ont été menées afin d’établir un portrait-robot du ménage en situation de précarité énergétique. En définissant une population cible, il est en effet plus aisé de mettre en place une politique publique dédiée et d’apprécier l’efficacité et l’efficience des dispositifs mis en place.

A partir des données d’enquêtes et des informations administratives des clients bénéficiant des tarifs sociaux de l’énergie, les caractéristiques saillantes ont pu être dressées du profil de ces ménages. Il s’agit principalement :

  • d’une famille monoparentale, de personnes âgées, ou d’une personne occupant seule son logement
  • locataire de son logement
  • vivant en milieu rural
  • dans un logement en état de vétusté ou avec une très mauvaise qualité du bâti
  • faisant parti des ménages les plus modestes (bénéficiaires du RSA ou autres minima sociaux)
  • chauffé au fioul ou au gaz (mais 29 % des personnes déclarant avoir eu froid ne possède pas de chauffage principal), et utilisant un chauffage électrique d’appoint en complément.

Néanmoins, comme le souligne l’ONPE dans son dernier rapport, ce portrait varie en fonction du critère retenu pour définir la précarité énergétique :

  • en adoptant l’approche par les critères financiers, les ménages en précarité énergétique sont essentiellement des propriétaires de leur logement, âgés de plus de 50 ans, et vivant en milieu rural ;
  • en adoptant l’approche basée sur le ressenti des ménages sur la sensation de froid, et le questionnaire sur la privation d’énergie, les ménages concernés sont des locataires, âgés de moins de 50 ans, et vivant en milieu urbain.

On voit bien toute la difficulté à établir le profil des ménages précaires : chaque indicateur possible ne nous éclaire que sur l’une des facettes du phénomène.

Une caractéristique commune des ménages précaires est néanmoins récurrente quel que soit l’indicateur retenu : les faibles ressources financières dont dispose le ménage. Les ménages les plus exposés à la précarité énergétique sont en effet ceux disposant des plus faibles ressources financières (ménages du 1er quartile de revenus) : selon l’Insee, 40 % des ménages du 1er quartile présentent un taux d’effort énergétique supérieur à 10 %, et sont donc considérés comme précaires. Cette proportion de ménages diminue ensuite avec le quartile de revenus considéré. En outre, 70 % des ménages ayant un TEE supérieur à 10 % se trouvent parmi les ménages du 1er quartile.

Les conséquences de la précarité énergétique

Outre la première conséquence liée au fait de ne pas se chauffer au niveau de confort voulu (avoir froid), la précarité énergétique engendre des conséquences dramatiques pour les personnes concernées, parmi lesquelles :

  • L’exclusion sociale du ménage concerné : comme le soulignent les associations luttant contre l’exclusion des plus démunis, la honte de ne pas se chauffer peut conduire les ménages à un repli sur eux-mêmes, et ils peuvent finir par s’isoler complétement du reste de la société (coupure des liens sociaux par crainte de recevoir à son domicile). Les associations locales (CCAS…) jouent un rôle essentiel pour prévenir ce risque.
  • L’aggravation de l’état de vétusté initial du logement : en effet, un logement non chauffé ou sous-chauffé se dégrade plus rapidement qu’une habitation bien entretenue. Cela crée un cercle vicieux, puisque la dégradation de l’état du bâti accentue la déperdition d’énergie du logement, et donc renforce le ménage dans sa précarité énergétique. C’est pourquoi des aides publiques de rénovation énergétique des logements des plus précaires prennent tout leur sens.
  • L’apparition de nombreux problèmes de santé [7] : avoir froid en période hivernale peut être à l’origine de nombreux maux susceptibles de s’aggraver dans le temps : pathologies cardiovasculaires, problèmes respiratoires et pulmonaires (asthme, bronchites, allergies…), mais aussi troubles mentaux (dépression). Ces problèmes de santé participent à la surmortalité hivernale enregistrée chaque année, et la corrélation entre précarité énergétique et état de santé dégradé a été démontrée dans un certain nombre d’études consacrées à ce sujet [8]. En outre, le développement potentiel de moisissures dans un logement en état de vétusté augmente le risque de développer des pathologies. Sans oublier que le froid accroît le risque de se blesser dans son logement, en raison d’une moindre dextérité.

Ces effets non négligeables sont en revanche très difficiles à détecter et à quantifier, mais ils doivent inciter les pouvoirs publics à mettre en place les dispositifs nécessaires pour limiter – à défaut de pouvoir l’arrêter complétement - la précarité énergétique. Les estimations menées au Royaume-Uni montrent le gain financier à rénover des logements : la rénovation de 100 000 logements, pour un coût estimé à 1,8 million d’euros, permettrait d’éviter des dépenses pour le système de santé britannique de l’ordre de 6,5 millions d’euros. Au-delà de cet aspect financier, de nombreux bénéfices pour la société peuvent être attendus.

Quels dispositifs pour y remédier ?

Les manières d’appréhender la précarité énergétique et d’y remédier sont traditionnellement de deux ordres :

  • une méthode curative : aider à court terme les ménages à se chauffer, en les aidant notamment à régler leur facture d’énergie
  • une méthode préventive : dans une vision de plus long terme, il s’agit d’agir sur l’un des principaux facteurs conduisant à la précarité énergétique : améliorer les performances énergétiques des logements des plus précaires, grâce à des aides à la rénovation et aux travaux énergétiques.

En France, les politiques publiques ont pris conscience du problème et la lutte contre la précarité énergétique se traduit par des dispositifs agissant sur ces deux volets :

  • des tarifs sociaux de l’énergie (voir encadré) ont été mis en place pour aider les ménages les plus en difficultés à faire face à leurs charges d’énergie [9]. Il s’agit du Tarif de Première Nécessité pour l’électricité (TPN) et Tarif Spécial de Solidarité (TPSS) pour le gaz [10]. Ces tarifs sont en effet accordés automatiquement aux clients éligibles par les fournisseurs d’énergie. L’attribution de ces tarifs repose sur des éléments dont disposent les administrations françaises. Le nombre de ménages cumulés bénéficiant actuellement d’une tarification spécifique sur l’électricité et le gaz s’élève aujourd’hui à près de 3,3 millions de ménages , chiffre en augmentation depuis l’automatisation de la procédure d’attribution au cours de l’année 2012. Le décret du 15 novembre 2013 relatif à l’extension des tarifs sociaux permet en effet d’étendre le nombre de bénéficiaires, jusqu’à 4 millions, soit un nombre proche du nombre de précaires énergétiques estimé par les institutions officielles. Une des limites de ce dispositif demeure son application uniquement concentrée sur les consommateurs des énergies de réseaux (électricité et gaz), les autres énergies n’étant pas concernées.
  • des dispositifs préventifs pour lutter contre la précarité énergétique ont été mis en place à partir de programmes nationaux, tels que le programme « Habiter mieux » géré par l’Anah (Agence nationale de l’habitat) depuis fin 2010, dont l’ambition est de procéder à la rénovation thermique du parc existant ancien à raison de 50 000 logements par an à partir de 2015 (38 000 logements pour 2014). Ce programme apporte une aide financière pouvant aller jusqu’à 3000 €, mais aussi un accompagnement technique et financier pour les ménages précaires, en vue de réaliser des travaux de rénovation énergétique. A l’origine destiné aux propriétaires occupants les plus vulnérables, le programme a été étendu en 2013 aux propriétaires bailleurs. D’après le MEDDE, le gain énergétique moyen obtenu dans les logements ayant bénéficié de cette mesure sont de l’ordre de 39 % pour les propriétaires occupants et de 64 % pour les propriétaires bailleurs.

Outre l’ensemble de ces dispositifs nationaux, de nombreuses actions locales tentent d’assister les ménages en situation de précarité énergétique, comme par exemple :

  • les aides départementales telles que les FSL – Fonds de Solidarité pour le Logement : gérés par les Conseils généraux, ils sont destinés aux ménages qui ne parviennent pas à régler les charges incombant à leur logement (énergie, mais aussi loyer, télécommunications…). Leurs critères d’attribution et les seuils accordés varient en fonction des règlements intérieurs des départements.
  • les aides distribuées par les CCAS (Centre Communal d’Action Sociale), selon des règles qui leur sont propres.
  • et enfin, les aides attribuées par certaines associations caritatives (Fondation Abbé Pierre, Croix-Rouge française, Secours catholique…).
    L’actuel projet de loi relatif à « la transition énergétique pour une croissance verte » prend en compte la problématique de la précarité énergétique en en faisant l’un des objectifs prioritaires de la loi dès son article 1er : « La politique énergétique lutte contre la précarité énergétique » et précise que « L’État veille à garantir aux personnes les plus démunies l’accès à l’énergie, bien de première nécessité, ainsi qu’aux services énergétiques ».

Pour ce faire, le projet de loi prévoit l’instauration d’un « chèque énergie » destiné, à terme [11], à remplacer les tarifs sociaux de l’énergie. Ce chèque, envoyé de manière automatique aux ménages éligibles sur un critère de revenus par un organisme administratif (qui reste encore à déterminer), permettrait aux bénéficiaires de régler une partie de leur facture d’énergie du logement avec ce montant, et cela quelle que soit l’énergie de chauffage du logement. Cela permet ainsi d’élargir l’aide financière aux ménages se chauffant avec une autre énergie que l’électricité et le gaz, c’est-à-dire le fioul ou le bois par exemple. En outre, ce chèque pourra être utilisé pour acquitter des dépenses liées à l’amélioration de la qualité environnementale du logement ou de la capacité de maîtrise de la consommation d’énergie du logement. Ces dépenses peuvent ainsi concerner des travaux d’isolation, d’installation de chaudières… Le montant du chèque sera crucial pour déterminer la pertinence de l’utilisation d’un tel outil pour couvrir des dépenses élevées telles qu’une chaudière ou plus encore, des travaux d’isolation.

Conclusion

La précarité énergétique est un phénomène complexe et difficile à mesurer, d’autant plus qu’il est diffus sur le territoire.
Les estimations disponibles à ce jour font état d’environ 4 millions de ménages en France, dont déjà plus de 3 millions bénéficient aujourd’hui de dispositifs de tarification spéciale de l’énergie. Mais ce chiffre sous-estime la réalité, une certaine partie de la population n’entrant pas dans le périmètre des calculs des institutions officielles.
Au-delà de l’inconfort thermique ressenti dans un logement ou des difficultés pour se déplacer, la précarité énergétique entraîne un grand nombre de difficultés bien plus néfastes pour les personnes qui en souffrent : exclusion sociale, repli sur soi, dégradation de la santé, dégradation du bâti, etc. Ces conséquences peuvent même se renforcer entre elles, et un véritable cercle vicieux s’instaure.
Des dispositifs pour limiter, si ce n’est lutter, contre ce problème existent déjà en France, notamment via les tarifs sociaux de l’énergie, mais ils présentent un certain nombre de limites. C’est pourquoi les politiques publiques réfléchissent actuellement à la mise en place de mesures à la fois de prévention de la précarité (aider les ménages précaires à améliorer les performances énergétiques de leur logement) et de secours à la précarité grâce à des allégements de facture d’énergie (instauration d’un chèque énergie).

Notes

[1L’EPEE est un projet européen portant sur l’Etude de la Précarité Energétique en Europe, dont les travaux, financés en partie par la DG Transport et Energie, se sont arrêtés en 2009.

[2La Pologne a toutefois entériné en 2013 une définition du « consommateur vulnérable », mais elle ne reconnaît pas la précarité énergétique comme un phénomène distinct de la pauvreté .

[3Le poids des dépenses des ménages en énergie pour le transport s’élève à environ 4 % de leurs dépenses totales.

[4Date de la dernière enquête budget publiée par l’Insee.

[5Cette enquête, lancée en 2011, est financée par le CGDD, l’Ademe, l’Anah, le CSTB, GDF Suez, Total, et SIPLEC (groupe Leclerc).

[6Voir par exemple l’étude « Au-delà des impayés d’énergie, comment appréhender la précarité énergétique ? », Isolde DEVALIERE, Revue Espace, Populations, Société, 2008-1

[7Pour en savoir plus : voir le rapport de l’Observatoire Régional de Santé (ORS) Ile de France intitulé « Précarité énergétique et santé ».

[8Certaines études britanniques ont même mis en lumière la forte corrélation entre surmortalité en hiver et efficacité des systèmes de chauffage.

[10Il s’agit du gaz délivré en réseau ; les chauffages par bouteille de gaz individuelle ne sont pas concernés par la mesure.

[11Le projet de loi prévoit l’entrée en vigueur du dispositif au plus tard le 31 décembre 2016