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Comment s’organise quotidiennement l’équilibrage du système électrique ?

L’électricité étant aujourd’hui difficilement stockable en grande quantité et sur un temps long, l’ensemble du système électrique est donc dimensionné pour assurer en permanence l’équilibre entre l’offre, la production et la demande, la consommation. En cas de déséquilibre entre ces paramètres, il existe un danger pour les équipements raccordés ainsi que des risques de coupures d’électricité.
Dans cette première note, l’OIE revient sur les différentes dispositions qui encadrent l’équilibre du système électrique.

Lien entre la fréquence et l’équilibre offre/demande :
Dans toute l’Europe, le transport et la distribution de l’électricité s’effectuent en courant alternatif à une fréquence de 50 Hz (c’est-à-dire que le courant électrique oscille 50 fois par seconde) en situation d’équilibre offre/demande. S’il y a plus de demande que d’offre, la fréquence baisse. A contrario, si l’offre est supérieure à la demande, la fréquence augmente. Or, pour le bon fonctionnement de tous les appareils connectés au réseau, il est essentiel que la fréquence soit extrêmement stable [1], ce qui exige un équilibre quasi-parfait à chaque instant entre production et consommation.

1. LE GESTIONNAIRE DE RÉSEAU DE TRANSPORT EST RESPONSABLE DE LA SÉCURITÉ ET DE LA SÛRETÉ DU RÉSEAU ÉLECTRIQUE

L’article L. 321-10 du code de l’énergie confie la responsabilité de l’équilibrage au Gestionnaire du Réseau de Transport d’électricité [2] (GRT) RTE. Pour assurer sa mission, RTE prend en compte toutes les contraintes liées au réseau d’électricité, de la capacité des interconnexions en passant par la fourniture lors des pointes de consommation [3]. RTE assure l’équilibrage physique du système électrique en tenant compte du déséquilibre des responsables d’équilibre (RE) [4], des aléas de production et de consommation, mais également des changements d’import et d’export aux frontières.

En effet, l’organisation du système électrique prévoit que les acteurs directement actifs sur les marchés assurent son équilibrage. Ces derniers, nommés dans ce contexte RE, ont la responsabilité d’assurer l’équilibre entre les soutirages et les injections d’électricité sur leur périmètre d’équilibre [5]. Il peut s’agir d’un fournisseur d’électricité, d’un consommateur ou de n’importe quel tiers, notamment des agrégateurs [6], qui trouve un intérêt à participer aux différents marchés de l’électricité. Le RE conclut un contrat avec RTE et assure sa mission selon des règles prédéterminées approuvées par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) [7]. À la différence de RTE, le RE n’est pas physiquement responsable de l’équilibre du système, en revanche il est financièrement responsable des coûts des écarts qui surviennent sur son périmètre. Le périmètre d’équilibre contractuel est constitué par des injections (sites physiques de production, achats en bourse ou à d’autres acteurs, importations) et des soutirages (sites physiques consommateurs, ventes en bourse ou à d’autres acteurs, exportations).

Le signal Ecowatt :
Mis en ligne en novembre 2020, le dispositif Ecowatt piloté par RTE permet de signaler les périodes de tension sur le système électrique pour éviter les coupures. Le signal permet de connaître l’état de tension du système électrique selon trois couleurs  :
Lorsqu’ils sont inscrits auprès de RTE, les consommateurs reçoivent un signal Ecowatt orange ou rouge est transmis 3 jours à l’avance, ce qui leur permet de s’organiser pour planifier leurs ecogestes.

2. L’ÉQUILIBRAGE DU SYSTÈME ÉLECTRIQUE REPRÉSENTE UN COÛT

Lorsque RTE constate un déséquilibre sur le système, le gestionnaire de réseau active à travers les marchés d’équilibrage, différents moyens pour maintenir la fréquence à 50 Hz. Les actions d’équilibrage menées par RTE représentent un coût pour le gestionnaire de réseau. En effet, les acteurs participant à l’équilibrage du système électrique [8] soumettent leurs offres à RTE, qui les sélectionne selon le principe de préséance technico-économique. La rémunération des acteurs représente ainsi un coût global pour l’activation de ces offres, coût minimisé grâce à la sélection des offres les plus compétitives.

Ce coût est répercuté aux RE à travers le calcul du Prix de Règlement des écarts (PRE). Il est calculé sur la base d’une valeur moyenne des coûts ou bénéfices des actions mises en œuvre par RTE sur une période de 15 minutes [9]. Les principes de calcul du prix de règlement des écarts permettent donc d’envoyer aux RE une incitation financière sur leurs déséquilibres et reflètent le coût des actions d’équilibrage menées par RTE.

Ainsi, en cas d’écart négatif du RE (c’est-à-dire que sur le périmètre considéré, la somme des injections de puissance est inférieure à la somme des puissances de soutirage), ce dernier verse à RTE le coût de cet écart. Dans la situation inverse, c’est RTE qui lui verse la compensation. Les prix de règlement des écarts négatifs et positifs sont publiés sur le site de RTE [10].

Le modèle d’équilibrage français repose sur des programmes d’appels de moyens de production et/ou d’effacement établis par les producteurs ou responsables d’équilibre, et sur la prévision de la consommation à l’intérieur de chaque périmètre d’équilibre. Ces programmes sont prévus à l’article L. 321-9 du Code de l’énergie et concernent toutes les installations raccordées au réseau d’électricité. RTE reprend pleinement la main sur l’équilibrage 2 heures [11] en amont du temps réel, ce laps de temps est qualifié de « fenêtre opérationnelle ». La fenêtre opérationnelle de RTE est composée du « délai de neutralisation [12] » (1h) et de la « période de livraison [13] » (1h). Concrètement, pour la période de livraison le jour J de 14h à 15h, les acteurs peuvent envoyer leurs programmes le jour même jusqu’à 13h.

Les acteurs envoient à RTE les programmes de leurs Entités de Programmation toutes les heures, à l’heure ronde :

À partir du 1er janvier 2026, il y aura 96 guichets de programmation (contre 24 aujourd’hui)Il y aura 96 guichets en adéquation avec le pas de temps de règlement des écarts qui est de 15 minutes, ce qui permettra d’offrir plus de flexibilités aux acteurs lors de la déclaration de leurs programmes. ce qui réduira la fenêtre opérationnelle de RTE à 1h15. Ainsi, pour la période de livraison le jour J de 14h à 14h15, les acteurs pourront envoyer leurs programmes le jour même jusqu’à 13h. RTE peux également intervenir en amont de ce timing pour solliciter des ajustements afin de garantir la sûreté du système. Les actions de RTE en amont du temps réel peuvent être réalisées s’il prévoit un déséquilibre et décide d’agir pour ajuster l’équilibre du réseau. Ce modèle d’équilibre est qualifié de « proactif » puisque RTE peut agir en parallèle, mais de façon dissociée, du RE.

Au 1er janvier 2026, les acteurs envoient à RTE les programmes de leurs Entités de Programmation tous les quarts d’heure :

Évolution règlementaire sur la réduction du délai de neutralisation (et donc de la fenêtre opérationnelle) :
Selon la règlementation européenne 2024/1747, à partir du 1er janvier 2026, il sera possible d’échanger de l’énergie entre zones jusqu’à 30 minutes avant le temps réel [14], le délai de neutralisation sera ainsi figé à 30 minutes avant le temps réel ce qui modifiera la fenêtre opérationnelle à 45 minutes. Selon RTE, ce raccourcissement de la durée de la fenêtre opérationnelle représente un risque pour la sûreté du système et engendrera des impacts économiques négatifs. Cette adaptation, qui est un élément clé pour l’intégration des énergies renouvelables dans le marché de l’électricité, implique des modifications du modèle d’équilibrage du système français particulièrement conséquentes. À l’instar d’autres GRT européens, RTE a soumis en ce sens une demande de dérogation à la CRE pour une durée de 3 ans, décalant ainsi la réduction de délai de neutralisation à 30 minutes pour le 1er janvier 2029.

Notes

[1En situation normale, le seuil de tolérance est de 0.050 Hz autour de la fréquence nominale.

[2Article L. 321-10 code de l’énergie « Le gestionnaire du réseau public de transport assure à tout instant l’équilibre des flux d’électricité sur le réseau ainsi que la sécurité, la sûreté et l’efficacité de ce réseau, en tenant compte des contraintes techniques pesant sur celui-ci. Il veille également au respect des règles relatives à l’interconnexion des différents réseaux nationaux de transport d’électricité »

[3Livre vert Feuille de route de l’équilibrage du système électrique français, RTE, Juin, 2016

[4Liste des responsables d’équilibre disponible sur le site de RTE

[5Article L. 321-15 du code de l’énergie

[6Un agrégateur est une entreprise qui agit comme un intermédiaire entre un producteur d’électricité et le marché de l’électricité. Il est responsable de l’équilibrage de son portefeuille et s’assure de la valorisation de l’électricité.

[7Règles relatives à la Programmation, au Mécanisme d’Ajustement et au dispositif de Responsable d’équilibre

[9L. 321-14 du code de l’énergie

[10Pour plus d’informations, voir les données publiques sur l’équilibrage sur le site de RTE

[11Règlement UE 2015/1222 établissant les lignes directrices sur l’allocation des capacités et la gestion de congestion (CACM)

[12Le délai de neutralisation correspond à la durée pendant laquelle l’exploitant de ne peut plus modifier le programme d’appel de sa capacité de production. RTE reprend le contrôle physiquement le contrôle de l’installation pendant ce délai.

[13La période de livraison correspond à l’unité de temps de marché, c’est-à-dire la période pendant laquelle le prix de marché de l’électricité est établi.

[14Article 2, paragraphe 5 du règlement UE 2024/1747 du parlement européen et du conseil du 13 juin 2024 modifiant les règlements (UE) 2019/942 et (UE) 2019/943 en ce qui concerne l’amélioration de l’organisation du marché de l’électricité de l’Union.