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Heures pleines - Heures creuses : Pourquoi réadapter ce dispositif historique ?

Les heures pleines – heures creuses (« HP/HC ») sont un dispositif de tarification offrant la possibilité aux consommateurs de payer une électricité moins chère pendant certaines heures de la journée ou de la nuit, lorsque l’électricité est abondante et le réseau moins sollicité. Ce dispositif de flexibilité de la consommation, existant depuis des décennies en France, doit aujourd’hui s’adapter à l’électrification croissante des usages et à l’évolution du mix électrique.

L’OIE revient dans cette note sur les enjeux relatifs au cadre historique de ce dispositif et à la mise en oeuvre de la réorganisation des heures creuses pendant la nouvelle période tarifaire 2025-2028 des tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport d’électricité [1] (« TURPE 7 »).

Les points clés :

  • Le dispositif heures pleines - heures creuses permet de payer l’électricité moins chère à certaines heures ;
  • Conçu dans les années 1960 lors du développement du parc nucléaire, le dispositif doit évoluer avec l’essor de la production photovoltaïque et l’électrification des usages (véhicule électrique, pompes à chaleur, etc.) ;
  • À partir de novembre 2025, certaines heures creuses évoluent pour s’adapter aux heures où l’électricité est la plus abondante et la moins chère ;
  • Les changements prévus sont automatiques pour les clients et visent à limiter les coûts pour la collectivité, sans réduire la qualité de service.

1. QUE SONT LES HEURES CREUSES ET COMMENT ONT-ELLES ÉTÉ DÉTERMINÉES ?

Le dispositif heures pleines - heures creuses

Le dispositif a été introduit en France dans les années 1960 après la mise en service des premières centrales nucléaires, mais son accessibilité aux ménages et petits professionnels remonte aux années 1970-80. À cette époque, le profil de production du mix électrique français correspondait à un « bandeau », c’est‑à‑dire une quantité d’énergie produite sur le territoire similaire à chaque heure de la journée et de la nuit. Afin d’optimiser la production du parc mais aussi les coûts d’utilisation des réseaux, les premières heures creuses correspondaient aux 8 heures de plus faible consommation, généralement la nuit.

*Les clients en HTB et HTA doivent également adapter leur consommation selon des heures dites de « pointe » lorsque le réseau est particulièrement sous tension, entre décembre et février inclus.

Les coûts générés par chaque utilisateur du réseau ne sont pas les mêmes selon l’heure, la journée ou même le mois où l’électricité a été consommée. Dans certains cas, des phénomènes de congestion peuvent nécessiter un renforcement local du réseau, à un coût significatif. Pour cette raison, un juste dimensionnement du réseau d’électricité par le gestionnaire de réseau doit garantir un bon fonctionnement du système électrique [2], notamment lors des pointes.

Le placement des plages d’HC et HP est utilisé pour facturer ces variations dans le coût de l’acheminement de l’électricité au client. Les clients choisissant cette option auprès de leur fournisseur d’électricité sont ainsi incités financièrement à consommer lorsque le réseau est moins sollicité et lorsque la production est abondante. Il est ainsi possible pour un ménage de faire des économies sur sa facture d’électricité [3] lorsque les consommation coïncident avec les HC, surtout lorsque les usages électriques sont énergivores (recharge d’un ballon d’eau chaude, recharge d’un véhicule électrique…).

Les heures creuses sont déterminées par les gestionnaire de réseau

Le placement des 8 heures creuses de chaque client doit tenir compte des contraintes locales du réseau tout en respectant les règles fixées dans le TURPE. Cette tâche revient donc au gestionnaire de réseau, c’est-à-dire Enedis ou les entreprises locales de distribution (ELD) pour le réseau de distribution et RTE pour le réseau de transport. La répartition des heures pleines et creuses n’est donc pas homogène à l’échelle du territoire, il existe en effet près de 70 combinaisons différentes pour les utilisateurs raccordés en BT ≤ 36 kVA (ménages et petits professionnels) dont voici quelques exemples :

  • De 23h00 à 07h00 ;
  • De 00h00 à 05h30 puis de 14h30 à 17h00 ;
  • De 01h30 à 07h30 puis de 12h30 à 14h30 ;
  • De 2h00 à 08h00 puis de 13h00 à 15h00 ;
  • Etc.

Option base ou option HP/HC ?
Une autre option tarifaire souvent choisie par les consommateurs de puissance 3 à 9 kVA est l’option base. À la différence de l’option HP/HC, le prix du kWh est toujours le même quelle que soit l’heure de la journée.
Pour un ménage disposant d’une offre HP/HC [4], raccordé en 9 kVA et consommant annuellement 10 000 kWh, 30 % de l’électricité doit être consommée pendant les HP pour que cette option soit plus économique qu’une offre base, et ce malgré un coût de l’abonnement plus élevé.

Les offres comprenant des HP/HC sont commercialisées par une majorité de fournisseurs

Comme l’option base, l’option HP/HC est accessible sur tout le territoire. Elle est historiquement proposée dans les tarifs réglementés de vente de l’électricité [5] (TRVE) pour les clients résidentiels, les très petites entreprises (TPE) et les petites collectivités. Le nombre d’heures creuses pour les tarifs réglementés de vente d’électricité est aujourd’hui au nombre de 8, ce qui ce qui garantit l’envoi aux clients d’un signal tarifaire reflétant les coûts du réseau [6].

L’option HP/HC est également commercialisée depuis le 1er juillet 2007 [7] dans les offres de fournisseurs alternatifs [8]. En 2025, près de 40 % des consommateurs résidentiels et petits professionnels en France ont souscrit à une offre d’électricité incluant cette option, soit environ 14,5 millions de clients [9].

Différences entre facturation de l’acheminement et facturation de la consommation :
Les heures creuses déterminées par les gestionnaires de réseau sont utilisées pour facturer l’acheminement de l’électricité au client. Elles ne sont en revanche pas systématiquement utilisées pour la facturation de la consommation du client par les fournisseurs. En effet chaque fournisseur facture la consommation de ses clients selon sa propre grille tarifaire, c’est-à-dire selon ses propres heures creuses. Toutefois les heures creuses retenues par les fournisseurs suivent généralement les heures creuses déterminées par le gestionnaire de réseau.

2. POURQUOI RÉÉVALUER LE PLACEMENT DES HEURES CREUSES ?

Nouveaux enjeux liés à l’horo-saisonalité

Pour les ménages, l’électrification progressive des usages (utilisation de véhicules électriques, utilisation d’une pompe à chaleur, etc.) associée à la modification des modes de consommations (télétravail, pilotage des usages, etc.) transforment les profils de consommation historiques.

Par ailleurs, le mix électrique national se caractérise par un essor de la production renouvelable, notamment photovoltaïque. Cette production décentralisée induit une baisse de la consommation résiduelle, c’est-à‑dire la consommation nationale nette de la production renouvelable, illustrée par la « Duck Curve », cette courbe en forme de canard montrant le déséquilibre temporel entre la demande en électricité et la production d’énergie solaire.

Profil journalier de la consommation totale et résiduelle de 2024 :
Productions et consommations non corrigées

Source : RTE, Bilan électrique 2024

Profil journalier de la consommation totale et résiduelle des années 2019, 2024 et 2030 :
Productions et consommations non corrigées

Source : RTE, Bilan électrique 2024

Observations de la crise énergétique :
L’hiver 2022-2023 a révélé que des pics de consommations pouvaient coïncider avec certains régimes d’heures creuses méridiennes, aggravant les contraintes du système électrique [10]. Les pouvoirs publics ont ainsi pris la décision de désactiver lors de cet hiver les contacts secs, qui déclenchent automatiquement certains appareils comme les chauffe-eaux, lors des heures creuses de 12h à 14h. Les heures creuses de la nuit suffisent en effet à une chauffe complète de ces appareils. Le lissage des pointes de consommation qui s’en est suivi a permis d’économiser 2,4 gigawatts sur le réseau d’Enedis, l’équivalent de la consommation de la ville de Paris, sans le moindre désagrément pour les ménages en termes de confort ou sur la facture. Le même dispositif a également dû être appliqué l’hiver suivant.

L’évolution des habitudes de consommation et l’essor de la production photovoltaïque décentralisée, en partie autoconsommée, modifient les périodes d’abondance d’énergie et l’utilisation qui est faite des réseaux, ce qui modifie en conséquence les périodes les plus favorables à la consommation d’électricité. Désormais, la plage horaire de 11h à 17h, surtout au printemps et en été mais plus largement lors des jours ensoleillés, devient plus avantageuse pour la consommation d’électricité. À l’inverse, certaines heures historiquement creuses, notamment en début de matinée et en début de soirée, ne sont plus opportunes. Une réorganisation des heures creuses doit alors permettre de diminuer les coûts du réseau au printemps et en été, là où la production photovoltaïque est importante.

Révision du dispositif

La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a ainsi inclus dans ses délibérations une adaptation des plages horaires des heures creuses pendant la période TURPE 7 [11]. Enedis et les ELD [12] seront ainsi amenés à déplacer certaines plages horaires des heures creuses en début d’après-midi, lorsque l’énergie est abondante et moins coûteuse, principalement en été.

Les règles prévues pour le TURPE 7 pour Enedis et les ELD prévoient une saisonnalité ainsi que de nouveaux critères de placement des HC pour l’ensemble des niveaux de tension HTA [13], BT > 36 kVA et BT ≤ 36 kVA [14] :

  • Les plages horaires des heures creuses ne seront pas les mêmes en été (du 1er avril au 31 octobre) et en hiver (du 1er novembre au 31 mars) ;
  • Le nombre total d’heures creuses reste inchangé, soit 8 heures par jour ;
  • Une majorité des clients bénéficieront d’heures creuses l’après-midi, toute l’année ou a minima pendant la période estivale ;
  • Au moins deux heures creuses seront positionnées entre 11h et 17h l’été pour les clients dont les horaires seront modifiés (une plage horaire d’heures creuses à une durée minimale de deux heures) et certaines plages horaires ne pourront plus être utilisées pour les heures creuses ;
  • Les heures creuses de 11h à 14h en hiver ne seront pas attribuées à de nouveaux clients, car contraignantes à court terme pour le système électrique [15] ;
  • Les plages horaires seront réparties en une ou deux plages horaires, avec dans ce cas une plage diurne (08h00-20h00) et nocturne (20h00-08h00) ;
  • Tous les clients conserveront au minimum cinq heures creuses consécutives nocturnes, les consommateurs gardent ainsi l’avantage de programmer des usages sur une longue plage horaire sans interruptions (lave-linge, lave‑vaisselle, recharge de véhicule électrique, etc.).

Règles de placement définies dans la délibération du TURPE 7 :

Source : Enedis

3. QUELLES MODALITÉS DE MISE EN ŒUVRE DE LA RÉORGANISATION DES HEURES CREUSES ?

Modalités d’application aux clients concernés et incidence sur la facture

La mise en oeuvre de ce chantier de reprogrammation concernera 28 millions de points de livraison en basse tension [16] ≤ à 36 kVA et un demi-million en basse tension > à 36 kVA et en haute tension BT > 36 kVA et HTA. Parmi ces 28 millions de clients, onze millions de ménages bénéficient d’une offre tarifaire basée sur une option HP/HC ne respectant pas les nouvelles règles et nécessitant une modification.

Ces changements ne requièrent pas d’actions de la part des clients concernés, les fournisseurs leur transmettant simplement les informations relatives à l’évolution de leurs contrats. Ces changements n’auront de plus pas d’impact négatif sur les factures d’électricité des ménages, sous réserve que les habitudes de consommation s’adaptent aux plages d’heures creuses, et peuvent même être source d’économies en optimisant les consommations lors des heures creuses diurnes et nocturnes. La CRE estime qu’à moyen terme, cette évolution pourra contribuer à maîtriser la facture grâce à une utilisation accrue des heures les moins chères, notamment pour de nouveaux usages.

Planning prévisionnel de mise en œuvre

Ces reprogrammations, impossibles à effectuer simultanément sur tous les compteurs communicants, seront échelonnées sur le périmètre d’Enedis [17] entre novembre 2025 et la fin de l’année 2027, voire 2028. La reprogrammation des heures creuses pour les clients en basse tension ≤ 36 kVA se déroulera en deux phases et sera suivie d’une troisième phase dédiée en basse tension > 36 kVA et haute tension HTA  :

  • Une phase 1 d’attribution d’heures creuses identiques toute l’année (pas de saisonnalité) ;
  • Une phase 2 d’attribution d’heures creuses saisonnalisées ;
  • Une phase 3 dédiée au marché d’affaires.

Les clients sont informés par leur fournisseur a minima un mois avant une bascule effective. Un nouveau schéma d’HC peut être attribué lors d’une nouvelle mise en service, par exemple dans le cas d’un emménagement.

Calendrier prévisionnel de mise en œuvre :

Source : Enedis

Afin d’accompagner la substitution des énergies fossiles par de l’électricité, les profils de consommation et le mix de production se transforment et impliquent de faire évoluer le dispositif historique des heures pleines - heures creuses. La CRE a par conséquent délibéré sur une réorganisation des heures creuses par les gestionnaires de réseau de novembre 2025 à novembre 2027. La programmation de nouveaux usages électriques, tels que la recharge d’un véhicule électrique et l’utilisation d’une pompe à chaleur, en coïncidence avec les heures creuses constitue non seulement un levier clé de flexibilité pour le bon fonctionnement du système mais également un levier de réduction des factures d’électricité des ménages.

Notes

[1Pour plus d’informations, voir OIE « Qu’est-ce que le TURPE », novembre 2025

[3En effet la part acheminement correspond à 23 % de la facture d’électricité en 2024. SDES, enquête transparence des prix du gaz et de l’électricité.

[4Tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE) au 1er août 2025

[5Commercialisés par EDF ainsi que par les entreprises locales de distribution en métropole

[6Décision du 28 janvier 2025 relative aux tarifs réglementés de vente de l’électricité applicables aux consommateurs résidentiels en France métropolitaine continentale

[7Cette date correspondant à date de l’ouverture à la concurrence des marchés de l’électricité et du gaz, c’est-à-dire la fin du monopole d’EDF et de GDF sur le marché de détail. Chaque consommateur peut ainsi choisir librement son fournisseur d’énergie.

[8Voir le comparateur d’offres d’électricité du médiateur national de l’énergie

[9CRE, FAQ déplacement des HP/HC, février 2025

[10Enedis

[11Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 13 mars 2025 portant décision sur le tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité (TURPE 7 HTA-BT) et Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 13 mars 2025 portant décision sur le tarif d’utilisation des réseaux publics de transport d’électricité (TURPE 7 HTB)

[12Les zones non interconnectées ne sont pas concernées par les mêmes règles que Enedis et les ELD

[13Pour la HTA, les dimanches restent entièrement en HC

[14Pour la BT ≤ 36 kVA, les nouvelles règles ne s’appliquent qu’aux compteurs évolués et déclarés « communicants »

[15Voir les mesures d’enclenchement de ballons d’eau chaudes mises en place par Enedis, dans l’encadré ci-dessus « Observations de la crise énergétique »

[16Qu’ils soient en option « base » ou « HP/HC »

[17Les calendriers de mise en oeuvre pour les ELD peuvent différer de celui d’Enedis