5 minutes

Le développement de l’autoconsommation

Pouvant se définir comme le fait de consommer soi-même sa propre production d’électricité, l’autoconsommation connaît actuellement un essor important en France, très nettement pour les installations individuelles mais aussi progressivement à l’échelle collective. À travers une série de trois notes, l’OIE revient sur cette nouvelle relation vis-à-vis de l’électricité, qui contribue à l’un des piliers de notre sortie des énergies fossiles : le développement des énergies renouvelables.

Cette troisième note analyse les évolutions de cette tendance sociétale et ses enjeux.

1. UNE FORTE CROISSANCE DE L’AUTOCONSOMMATION

Autoconsommation individuelle (ACI)

Au deuxième trimestre 2025, 777 025 installations photovoltaïques en autoconsommation individuelle étaient raccordées au réseau de distribution géré par Enedis, pour une puissance totale de 4 714 MW. Par rapport au deuxième trimestre 2024, cela représente en une année 235 041 installations supplémentaires (+44 %) et 1699 MW supplémentaires (+56 %).

Développement de l’autoconsommation individuelle photovoltaïque en France (périmètre Enedis) :

Source : Enedis

Au deuxième trimestre 2025, les départements recensant le plus d’installations en France sont la Haute-Garonne (31 121 installations), la Gironde (29 183 installations) et l’Hérault (25 438 installations), bien qu’ils ne soient pas les plus ensoleillés. En effet, selon Enedis la météo a un impact limité sur le développement de ces installations. En exemple pour expliciter ce constat, le département du Nord recense 16 920 installations tandis que l’Aude en recense 10 443.

Répartition départementale du nombre d’installations photovoltaïques au T2 2025 sur le réseau Enedis :

Source : Enedis

À ces chiffres s’ajoutent les installations raccordées sur les réseaux des entreprises locales de distribution (ELD), représentant approximativement 5 % du territoire métropolitain. La dynamique de développement observée sur leur périmètre est ainsi proportionnellement comparable à celle observée sur le réseau exploité par Enedis. On dénombrait ainsi en 2024 plus de 10 000 installations en autoconsommation individuelle raccordées sur les réseaux des cinq plus grandes ELD (desservant plus de 100 000 clients chacune) et quelques dizaines d’opérations d’ACC.

Ordres de grandeur :
Les installations photovoltaïques en autoconsommation sont nombreuses mais majoritairement de tailles modestes. En effet, 81 % des installations en autoconsommation ont une puissance entre 1 et 6 kWc [1].
Au second trimestre 2025, bien que 65 % des installations photovoltaïques françaises autoconsomment partiellement ou totalement leur production, elles ne représentent que 19 % de la puissance photovoltaïque installée en France et 6,5 % de la production photovoltaïque du second trimestre 2025 [2].

Autoconsommation collective (ACC)

L’ACC est moins développée en France, pour autant le nombre d’opérations d’ACC augmente rapidement, passant de seulement 8 opérations recensées en 2018 par Enedis à 1 111 à la fin du second trimestre 2025, pour une puissance totale de production de 161,2 MW (31 fois moins que pour l’ACI). Durant les trois années 2022 à 2024, le nombre d’opérations a été multiplié par 10. À la fin du second trimestre 2025, ces opérations rassemblaient 12 338 participants regroupant en moyenne deux producteurs pour dix consommateurs. La très grande majorité des opérations d’ACC utilisent la technologie photovoltaïque et disposent d’un périmètre « étendu ».

Source : Enedis

En juin 2025, sur le réseau d’Enedis, 50,2 % des PMO étaient des collectivités territoriales (communes, départements, syndicats, communautés de communes, etc.), 6 % étaient des bailleurs HLM et 3,2 % des communautés d’énergies. Les 40,5 % restants sont des acteurs divers (sociétés civiles, SA, SARL, SAS, associations, syndicat de copropriété, etc.) mais également de nouveaux acteurs et entreprises du monde agricole tels que des coopératives, exploitations agricoles, CUMA (Coopérative d’Utilisation de Matériel Agricole) et GAEC (Groupements Agricoles d’Exploitation en Commun).

2. UNE TENDANCE SOCIÉTALE ANCRÉE DANS LES HABITUDES QUI DÉCENTRALISE LE SYSTÈME ÉLECTRIQUE

Volonté de réduire la facture énergétique

L’autoconsommation présente, selon la puissance publique, plusieurs bénéfices pour les ménages, entreprises et collectivités locales : consommer une électricité produite localement et, dans un contexte d’augmentation des prix de l’électricité, réduire la facture énergétique [3] [4]. Les Français estiment en effet que la réduction de leurs factures est le principal bénéfice de l’autoconsommation [5]. Selon la CRE [6], l’autoconsommation répond à un souhait des consommateurs d’être actifs vis-à-vis de leur consommation et de soutenir une production d’électricité locale. Le gouvernement estime alors en 2025 que l’autoconsommation est le principal objectif du segment résidentiel (puissance 0-9 kWc), afin d’apporter aux ménages une résilience face aux variations des prix de l’électricité [7].

Après une période de stabilité dans les enquêtes d’opinion, l’intérêt des Français pour l’autoconsommation photovoltaïque s’est renforcé à partir de 2021, la crise sanitaire ayant incité les particuliers à s’équiper pour accompagner les rénovations de maisons nouvellement acquises en milieu rural [8]. Le phénomène s’est ensuite accru en 2022 du fait de la crise énergétique, avec 69 % des Français envisageaient alors d’autoconsommer.

Cet engouement s’appuie aussi sur une rentabilité en nette amélioration. Selon l’ADEME [9], le coût de production du solaire photovoltaïque en 2024 d’une installation de 3 à 9 kWc est de l’ordre de 13 à 19 c€/kWh [10]. Ce coût est inférieur au prix du kWh acheté via une offre de fourniture au Tarif Réglementé de Vente (TRV), qui avoisinait 25 c€/kWh en 2024.

De récentes enquêtes d’opinion confirment cet engouement du grand public pour l’autoconsommation photovoltaïque, à l’image d’un sondage Odoxa réalisé en 2024, qui conclut que 87 % des Français [11] ont une vision positive de l’énergie solaire et que 59 % seraient favorables à l’installation de panneaux sur leur propre toit, bien que le coût d’une installation soit la première contrainte perçue [12]. En effet, bien que l’on observe une baisse des coûts des panneaux photovoltaïques et des prix moyens des installations photovoltaïques en France [13] [14], une installation nécessite toutefois un investissement initial conséquent [15].

Historique des prix moyens des installations PV sur bâtiments résidentiels en €/Wc

Source : IEA [16]

Prix moyen constaté d’une installation [17]

Source : PhotoVoltaique.info

Décentralisation du système électrique

Le fonctionnement du système électrique français, historiquement dépendant de moyens de production de forte puissance raccordés au réseau de transport, évolue désormais vers un mix au sein duquel les nouveaux moyens de production renouvelables sont massivement raccordés au réseau de distribution [18]. Le parc des installations photovoltaïques en autoconsommation raccordées au réseau géré par Enedis – 4,7 GW de puissance au second trimestre 2025 – est ainsi équivalent en puissance instantanée maximale à quatre à cinq réacteurs nucléaires, bien que la puissance de production annuelle soit bien moindre. Ce parc d’installations photovoltaïques est réparti en de nombreuses installations de faible puissance sur l’ensemble du territoire, l’autoconsommation contribue ainsi à la décentralisation du système électrique.

Répartition régionale de la puissance en MW des installations photovoltaïques en autoconsommation au T2 2025 sur le réseau Enedis

Source : Enedis

Cette évolution vers un système électrique plus décentralisé transforme profondément la manière dont le réseau est utilisé et planifié. Contrairement aux grandes installations de production pilotables, les installations en autoconsommation, souvent de petite puissance et réparties localement, injectent peu ou ponctuellement sur le réseau. L’autoconsommation reste aujourd’hui neutre pour le dimensionnement du réseau [19] dans la mesure où les capacités de raccordement sont prévues indépendamment du mode de valorisation de la production. Des modifications du comportement des autoconsommateurs et leurs éventuels effets sur le réseau n’ont toutefois pas été étudiés à ce jour.

3. QUELS ENJEUX POUR L’AUTOCONSOMMATION ?

Les enjeux du développement de l’autoconsommation en France sont à la fois économiques, réglementaires et technologiques. Un cadre juridique favorable et un accès facile au réseau d’électricité [20], associés à une baisse progressive des coûts des installations et une hausse du prix de l’électricité, ont permis une croissance importante de l’autoconsommation ces dernières années. La trajectoire future dépendra étroitement de l’évolution des dispositifs de soutien [21] – devant permettre l’atteinte des objectifs de la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) – mais également du prix de vente de l’électricité [22] et de la disponibilité des équipements photovoltaïques.

Pour les petites installations résidentielles (< 9 kWc), les récentes décisions du gouvernement visant à maximiser les taux d’autoconsommation pourraient avoir un impact sur l’appétence des ménages à s’équiper. L’entrée en vigueur au 1er octobre 2025 d’un taux de TVA réduit à 5,5 % sur les installations photovoltaïques de ce segment pourrait significativement améliorer leur rentabilité, d’autant plus si les taux d’autoconsommation sont optimisés. Selon l’ADEME [23], une autoconsommation de 45 % de sa production au lieu de 25 % permet en effet à une installation résidentielle de 3 ou 9 kWc d’être rentable en moyenne 5 ans plus tôt.

Le développement du stockage résidentiel par batterie pourrait à l’avenir constituer un levier. Enedis dénombrait à la mi-année 2025 plus de 19 000 installations photovoltaïques en autoconsommation équipées d’une installation de stockage [24]. Un nombre en croissance qui reflète un lien entre les installations solaires et le marché européen du stockage d’énergie par batterie résidentielle [25]. La baisse de plus de 90 % du coût des batteries lithium-ion depuis 15 ans [26], combinée à la hausse des prix de l’électricité, favorise cette tendance pouvant renforcer les taux d’autoconsommation.

En ce qui concerne les grandes installations (> 500 kWc), les appels d’offres (AO) dédiés à l’autoconsommation sont aujourd’hui peu souscrits. La CRE [27] recommande que ces AO soient basculés vers des appels d’offres classiques selon des modalités restant à définir. Les moyennes installations (100 à 500 kWc) sur bâtiment sélectionnées par AO simplifié de la CRE [28] pourront autoconsommer, le tarif de soutien étant versé uniquement sur la part injectée de la production.

L’ACC bénéficie également de perspectives de développement favorables, notamment grâce aux récentes évolutions du cadre réglementaire, notamment l’augmentation de la distance entre les participants jusqu’à 20 km [29] et de la puissance maximale à 5 MW. Toutefois, un cadre réglementaire instable pourrait avoir un impact sur cette dynamique.

À l’avenir, l’autoconsommation s’inscrira d’autant plus dans un cadre d’électrification croissante des usages : pompes à chaleur, bornes de recharge de véhicules électriques, etc. L’autoconsommation constituera alors un vecteur de synchronisation entre production d’électricité locale et consommation, notamment grâce au pilotage intelligent des d’appareils électriques.

Notes

[1Enedis, « Le mix de production, parc raccordé »

[2Ministère de la transition écologique des territoires, « Tableau de bord : solaire photovoltaïque - Deuxième trimestre 2025 », août 2025

[3ADEME, « Les avis de l’ADEME - Autoconsommation individuelle d’origine photovoltaïque », janvier 2025

[4Stratégie française pour l’énergie et le climat, Projet de PPE n°3 soumis à la concertation, novembre 2024

[5OpinionWay pour ADEME, « Attitude des Français à l’égard de la qualité de l’air et l’énergie en 2023 », décembre 2023

[6Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 15 février 2018 portant orientations et recommandations sur l’autoconsommation

[7Ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique Communiqué de presse du 12 Février 2025

[8ADEME, « Le secteur du bâtiment et de l’immobilier de crise en crise », analyses sur la période 2020-2023

[9ADEME, « Les avis de l’ADEME - Autoconsommation individuelle d’origine photovoltaïque », janvier 2025

[10Comprenant un tarif d’achat et une prime, décembre 2024

[11Échantillon représentatif de la population française, qui ne possède pour une majorité pas de panneaux photovoltaïques

[12Odoxa – TUCOENERGIE, « Énergie solaire : les Français souhaitent un soutien renforcé de l’État », mai 2024

[13Encyclopédie de l’énergie, « Énergie solaire photovoltaïque : baisse conjointe du coût et de l’impact environnemental », juin 2021

[14CNR, « Le solaire photovoltaïque en France : réalité, potentiel et défis », septembre 2023

[15PhotoVoltaique.info, « Connaître les coûts et évaluer la rentabilité », avril 2025

[16État du photovoltaïque en France, International Energy Agency Photovoltaic Power Systems Programme (IEA PVPS), 2023

[17En surimposition en toitures pose et démarches comprises, hors prime, coûts d’ingénierie et d’études, d’assurances, d’emprunt

[18Plan de développement de réseau d’Enedis, document provisoire 2023

[19Plan de développement de réseau d’Enedis, Document provisoire 2023

[20Pour plus d’informations, voir OIE « L’autoconsommation : de quoi parle-t-on ? », septembre 2025

[21Pour plus d’informations, voir OIE « Les dispositifs de soutien publics à l’autoconsommation », octobre 2025

[22Incluant notamment les taxes et les coûts des réseaux

[23ADEME, « Les avis de l’ADEME - Autoconsommation individuelle d’origine photovoltaïque », janvier 2025

[24Fin du second trimestre 2025 en France, environ 2,5 % des installations photovoltaïques d’autoconsommation individuelle sont combinées avec des moyens de stockage de l’électricité selon les données Enedis

[25L’Association Solar Power estimait l’installation de plus de 420 000 batteries en 2022, équipant 1 million de foyers. À l’horizon 2026, l’association européenne prévoit que 3,9 millions de foyers pourront ainsi être équipés en Europe

[26AIE, Batteries and Secure Energy Transitions, World Energy Outlook 2023, avril 2024

[27CRE, Délibération N°2023-341, novembre 2023

[28CRE, « Appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’installations de production d’électricité à partir de l’énergie solaire « Centrales sur bâtiments ou ombrières de puissance supérieure à 100 kWc et inférieure à 500 kWc » », 1er août 2025

[29Si un service d’incendie et de secours participe