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Les dispositifs de soutien publics à l’autoconsommation

Pouvant se définir comme le fait de consommer soi-même sa propre production d’électricité, l’autoconsommation connait actuellement un essor important en France, très nettement pour les installations individuelles mais aussi progressivement à l’échelle collective. À travers une série de trois notes, l’OIE revient sur cette nouvelle relation vis-à-vis de l’électricité, qui contribue à l’un des piliers de notre sortie des énergies fossiles : le développement des énergies renouvelables.

Cette seconde note détaille les dispositifs de soutien publics à l’autoconsommation.

Un cadre juridique et un accès régulé au réseau de distribution sont deux prérequis indispensables au développement de l’autoconsommation [1], individuelle (ACI) ou collective (ACC), mais qui ne suffisent toutefois à expliquer son essor en France [2]. Bien qu’une installation photovoltaïque représente aujourd’hui la typologie d’installation la plus accessible financièrement et la plus facilement déployable - notamment grâce à sa modularité - elle nécessite cependant un investissement initial conséquent [3].

Conscients de cet enjeu, et compte-tenu du rôle que joue l’autoconsommation dans l’atteinte des objectifs nationaux fixés dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en matière de développement des énergies renouvelables [4], les pouvoirs publics ont ainsi mis en place plusieurs formes de soutien à l’autoconsommation pour encourager son déploiement.

1. SOUTIENS À LA VALORISAITON DE L’ÉNERGIE PRODUITE

Complément de rémunération (CR) - pour les grandes installations (100-500 kWc) et très grandes installations (500 kWc et plus)

Le complément de rémunération, instauré par la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) [5], est un mécanisme de soutien aux énergies renouvelables (EnR). Le CR consiste en une prime versée par l’État [6] à un producteur d’énergie renouvelable (EnR) en complément de la vente sur le marché de l’électricité injectée sur le réseau [7]. Ce soutien permet aux porteurs de projets de garantir un niveau de rémunération permettant de couvrir les coûts d’une installation tout en assurant une rentabilité normale du projet.

Les lauréats des appels d’offres (AO) [8] spécifiques à l’autoconsommation perçoivent un CR sur une durée de 10 ans. Une prime en €/MWh est en outre accordée sur l’énergie autoconsommée [9]. La rémunération est ainsi construite de façon à favoriser l’autoconsommation plutôt que l’injection sur le réseau.

Les pouvoirs publics ont ainsi lancé entre 2017 et 2021, 10 AO spécifiques à l’autoconsommation, pour un volume cible total de 450 MW [10]. Ils portaient sur la réalisation et l’exploitation d’Installations de production d’électricité situées en métropole continentale qui utilisent les énergies renouvelables, dont au moins 50 % de la production est autoconsommée, et dont la puissance est comprise entre 100 kWc et 1 MWc. Ils concernaient avant tout les consommateurs des secteurs industriels, tertiaires (immeubles de bureaux, centres commerciaux) et agricoles.

Pour les années 2021 à 2026, les pouvoirs publics ont programmé 14 AO « PPE2  » [11] pour un volume cible total de 700 MW [12]. Ces AO portent sur la réalisation et l’exploitation d’Installations photovoltaïques au sol, sur bâtiments, serres et hangars agricoles et piscicoles et ombrières ainsi que les installations éoliennes, dont au moins 50 % de la production est autoconsommée. Leur puissance est :

  • Comprise entre 500 kWc et 10 MWc pour les projets d’ACI et ACC au sein d’un même bâtiment ;
  • Comprise entre 500 kWc et 5 MWc pour les projets en ACC étendue [13].

En 2025, la CRE a publié un nouvel appel d’offre simplifié (AOS) [14] portant sur des installations photovoltaïques sur bâtiments ou ombrières de puissance comprise entre 100 kWc et 500 kWc.

Cette procédure d’appel d’offres se substitue au soutien de l’arrêté tarifaire dit « S21 » pour ce segment [15]. Une première période est prévue du 22 septembre 2025 au 2 octobre 2025, pour un volume de 192 MWc. L’ACC et ACI sont autorisées sans limite du taux d’autoconsommation dans cet AOS. Le tarif de soutien étant versé uniquement sur la partie injectée, les volumes autoconsommés sont alors déduits des volumes pris en compte pour le versement du CR.

Obligation d’achat (AO) - pour les petites (0-9 kWc), moyennes installations (9-100 kWc) et, historiquement, pour les grandes installations (100-500 kWc)

L’OA, instaurée par la loi relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité [16], est un achat par l’État [17] de l’électricité produite par des installations renouvelables, de cogénération, etc., injectée sur le réseau. L’OA permet aux porteurs de projets de garantir un niveau de rémunération fixe pendant une durée déterminée, ce qui permet de couvrir les coûts d’une installation tout en assurant une rentabilité normale du projet.

Tout producteur éligible (particulier, agriculteur, entreprise, etc.) peut choisir entre deux options de vente :

  • Vente du surplus : autoconsommation d’une partie de la production et bénéfice du tarif d’achat sur l’électricité injectée sur le réseau ;
  • Vente en totalité : l’entièreté de la production, déduction faite de la consommation des auxiliaires, est injectée sur le réseau et rémunérée au tarif d’achat.

L’arrêté du 6 octobre 2021 fixe les conditions actuelles d’achat de l’électricité produite par les installations photovoltaïques implantées sur bâtiment, hangar ou ombrière, d’une puissance crête installée inférieure ou égale à 100 kW [18] et situées en métropole continentale. Il établit le tarif d’achat réglementé, révisé trimestriellement pour tenir compte des conditions économiques et des objectifs de politique énergétique.

Les producteurs peuvent ainsi prétendre à ce tarif pendant 20 ans, sous réserve de respecter les conditions d’achat et d’éligibilité. Le dispositif est également accessible à certains projets en autoconsommation collective (ACC), selon des conditions précises.

Depuis 2017 [19], les installations photovoltaïques en autoconsommation avec injection du surplus [20] et d’une puissance inférieure à 100 kWc peuvent bénéficier d’une prime à l’investissement, ou prime à l’autoconsommation. Les modalités de versement de la prime dépendent de la date de raccordement et de la puissance de l’installation [21]. Elle est désormais versée intégralement durant la première année de fonctionnement pour les installations d’une puissance comprise entre 0 et 9 kWc, ciblant le secteur résidentiel et les petits professionnels.

Ce dispositif d’obligation d’achat a largement contribué au développement de nombreuses installations photovoltaïques en France ces dernières années [22]. Toutefois dans un contexte budgétaire difficile depuis 2024 et face à la maturité économique croissante de la filière photovoltaïque, le gouvernement a ajusté les modalités de ce soutien [23]. À compter de mars 2025, les conditions ont évolué pour les nouvelles demandes d’installations < 9 kWc, afin d’encourager l’autoconsommation au détriment de la vente de surplus. Pour ce segment la vente en totalité a notamment été supprimée. Pour le segment 9 à 100 kWc, les règles de dégressivité trimestrielles des tarifs d’achat ont été ajustées afin de mieux encadrer les volumes soutenus.

Pour le segment 9 à 100 kWc, les règles de dégressivité trimestrielles des tarifs d’achat ont été ajustées afin de mieux encadrer les volumes soutenus.

Tarifs et primes pour le soutien via l’obligation d’achat en 2025 :

2. AUTRES SOUTIENS

Soutien direct via des aides locales

De nombreuses aides locales existent par ailleurs en France, dépendamment de la région, le département ou la commune. Celles-ci ne sont en revanche
pas cumulables avec le CR, l’OA et la prime à l’investissement.

Réduction des coûts de raccordement

Le raccordement d’une installation en autoconsommation avec injection du surplus s’inscrit dans le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR) lorsque la zone est concernée par ce dispositif. Le raccordement comprend dans ce cas les ouvrages propres à l’installation [24] ainsi qu’une quote-part des ouvrages mutualisés créés dans le cadre du S3REnR. Cependant lorsqu’une installation d’une puissance inférieure à 250 kVA se raccorde en basse tension (BT), l’autoconsommateur bénéficie :

  • D’une dispense de paiement de la quote-part unitaire du S3REnR ;
  • D’une prise en charge du coût de ses ouvrages propres à 60 % par le gestionnaire de réseau de distribution (GRD) via le TURPE.

Pour les installations ≤ 36 kVA, le raccordement est généralement effectué par une simple déclaration. Grâce au compteur communicant, un seul dispositif de comptage est utilisé pour mesurer à la fois le soutirage et l’injection d’électricité sur le réseau, là où deux compteurs étaient auparavant nécessaires. Pour les installations > 36 kVA, un comptage dédié à la production peut être nécessaire selon la configuration technique du site ou le régime de vente de la production d’électricité.

Soutien via les charges réseaux

En ACI ou ACC, le Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité (TURPE [25]) est ajusté pour tenir compte des particularités de soutirage, de comptage et de gestion. Pour une ACI, l’autoconsommation permet d’éviter les coûts d’acheminement du TURPE sur la part autoconsommée. En revanche dans le cas d’une opération d’ACC, l’électricité autoconsommée transite par le réseau, ce qui justifie la facturation du TURPE sur la part autoconsommée.

Le déploiement du compteur communicant pour les puissances inférieures ou égales à 36 kVA a permis de supprimer la nécessité de disposer de deux compteurs séparés en injection et en soutirage, ce qui réduit les composantes de gestion et de comptage pour l’ACI.

Composantes du TURPE sur le type d’autoconsommation et la puissance :

Soutiens fiscaux

Plusieurs soutiens fiscaux et parafiscaux sont cumulables avec l’arrêté tarifaire et les appels d’offres spécifiques à l’autoconsommation. Tout site en ACI autoconsommant la totalité de sa production voit sa production exemptée du droit d’accise sur l’électricité [26]. Cette exemption concerne également les sites avec une installation inférieure à 1 MWc et qui n’autoconsomment que partiellement leur production. Enfin, depuis 2025 cette exemption s’applique aussi aux opérations d’ACC lorsque le producteur est différent du consommateur et qu’ils sont regroupés dans une PMO [27]. Toutefois l’exonération ne s’appliquerait pas à la part injectée sur le réseau public [28].

Les installations photovoltaïques raccordées au réseau français d’une puissance inférieure ou égale à 3 kWc bénéficient quant à elles d’un taux réduit de TVA fixé à 10 %, au lieu du taux normal de 20 %, s’apparentant de fait à un soutien indirect à l’investissement. Ce seuil de 3 kWc a cependant généré un phénomène de découpage des installations de puissance initiales supérieures en de multiples installations passant sous le seuil. La loi de finances pour 2025 a ainsi acté une uniformisation de la TVA à 5,5 % pour le segment 0 à 9 kWc à partir du 1er octobre 2025, sous réserve de la publication d’un arrêté devant préciser les conditions pour justifier de cette exonération.

Au-delà de la TVA réduite sur l’achat et l’installation des panneaux photovoltaïques, un autre avantage fiscal indirect réside dans l’absence de facturation de TVA sur l’électricité autoconsommée. En effet, dans le cas d’une ACI ou d’une ACC patrimoniale ou avec cession à titre gratuit aux participants, la part autoconsommée ou partagée ne fait pas l’objet d’une vente.

Enfin, les revenus issus d’installations photovoltaïques en ACI d’une puissance inférieure ou égale à 3 kWc et raccordées au réseau de distribution ne sont pas imposables au titre de l’impôt sur le revenu.

Le cadre européen :
La révision de la directive « TVA » 2006/112/CE, adoptée en 2022 [29], autorise les États membres de l’UE à appliquer un taux réduit ou nul de TVA sur la livraison et l’installation de panneaux solaires installés sur des logements privés, des bâtiments publics, ou des bâtiments utilisés à des fins d’intérêt général, ainsi que dans leur proximité immédiate.
Si la France applique des taux réduit pour les petites puissances, d’autres pays ont choisi d’exonérer totalement les installations photovoltaïques de TVA, comme l’Allemagne (jusqu’à 30 kWc), l’Autriche (jusqu’à 35 kWc) et les Pays-Bas.
Toutefois, ces exonérations présentent une visibilité limitée dans le temps, car elles peuvent être remises en cause annuellement par les lois de finances nationales. Elles ont cependant l’avantage d’être simples à mettre en oeuvre pour les particuliers et petites entreprises souhaitant investir dans l’autoconsommation.
Au sein de l’UE les États membres sont autorisés. à soutenir la production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables par les
entreprises et les citoyens européens [30], ceci pour atteindre leurs objectifs nationaux tout en rendant l’électricité plus abordable.
Depuis quelques années ces États s’orientent progressivement vers une réduction du soutien à la vente du surplus, pour tenir compte des baisses du coût de la technologie photovoltaïque et du rythme de développement accéléré des capacités photovoltaïques [31].

Ils renforcent alors les dispositifs encourageant l’incitation les autoconsommateurs à maximiser leurs taux d’autoconsommation :

Notes

[1Pour plus d’informations, voir OIE « L’autoconsommation : de quoi parle-t-on ? », septembre 2025

[2Pour plus d’informations, voir OIE « Le développement de l’autoconsommation », septembre 2025

[3Pour plus d’informations, voir OIE « Le développement de l’autoconsommation », septembre 2025

[4Pour plus d’informations, voir OIE « Quel cadre politique français pour atteindre la neutralité carbone ? », avril 2025

[5Loi n° 2015992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

[6Via EDF Obligation d’Achat (EDF OA).

[7Pour plus d’informations, voir OIE « Le fonctionnement des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables en France », novembre 2019.

[8Procédures de mise en concurrence selon un cahier des charges spécifique, soit un mode de guichet dit « fermé ».

[9En cas de non-respect du taux minimum d’autoconsommation de 50 %, la prime versée aux utilisateurs est réduite.

[10La CRE a noté le caractère peu attractif de ces AO pour les développeurs. Plusieurs modifications ont ainsi été apportées dès la 5e période des AO « CRE4 », en réduisant notamment les volumes appelés, en baissant la prime maximale et en introduisant une clause de compétitivité.

[11La 4e période de candidature de l’appel d’offres « PPE2 » en métropole continentale fut la première période marquée par une sursouscription depuis le lancement de ces appels d’offres.

[12« Appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’Installations de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables en autoconsommation et situées en métropole continentale », par la CRE le 05/08/2021, consulté le 21/02/2024.

[13Pour plus d’informations, voir OIE « L’autoconsommation : de quoi parle-t-on ? », septembre 2025

[14CRE, « Appel d’offres portant sur la réalisation et l’exploitation d’Installations de production d’électricité à partir de l’énergie solaire « Centrales sur bâtiments ou ombrières de puissance supérieure à 100 kWc et inférieure à 500 kWc » », 1er août 2025.

[15Arrêté du 26 mars 2025 modifiant l’arrêté du 6 octobre 2021

[16Loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité.

[17Via un acheteur « obligé », essentiellement EDF Obligation d’Achat ou les Entreprises locales de Distribution (ELD).

[18À compter de la date d’ouverture du dépôt des dossiers de
candidature à l’AOS, les dispositions de cet arrêté ne s’appliquent
plus aus installations de puissance supérieure à 100 kWc.

[19Arrêté du 9 mai 2017 et arrêté du 6 octobre 2021.

[20Excluant les installations qui choisiraient une vente en totalité.

[21Arrêté du 8 février 2023 modifiant l’arrêté du 6 octobre 2021.

[22Pour plus d’informations, voir OIE « Le développement de l’autoconsommation », septembre 2025

[23Arrêté du 26 mars 2025 modifiant l’arrêté du 6 octobre 2021 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations implantées sur bâtiment, hangar ou ombrière utilisant l’énergie solaire photovoltaïque, d’une puissance crête installée inférieure ou égale à 500 kilowatts telles que visées au 3° de l’article D. 314-15 du code de l’énergie et situées en métropole continentale.

[24C’est-à-dire les éléments spécifiques nécessaires au raccordement.

[25Pour plus d’informations, voir OIE, « Tout savoir sur le Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Électricité (TURPE) », septembre 2018 et CRE, Délibération de la CRE du 13 mars 2025 portant décision sur le tarif d’utilisation des réseaux publics de distribution d’électricité (TURPE 7 HTA-BT), mars 2025.

[26Article L312-17 du Code des impositions pour les biens et les services. Pour plus d’informations sur l’accise de l’électricité voir OIE « Prix de l’électricité en France : La fiscalité de l’électricité », février 2024.

[27Articles L312-79 et L312-87 du Code des impositions pour les biens et les services.

[28BOI-RES-EAT-000208 - RES - Impositions sur les énergies, les alcools et les tabacs - Accises - Conditions d’application du tarif nul d’accise sur l’électricité d’origine renouvelable produite par de petites installations et consommée par les consommateurs participant à une opération d’autoconsommation collective.

[29Directive n° 2022/542 du 5 avril 2022.

[30Textes applicables : « Winter package » du 30 novembre 2016, et les Directives 2018/2001, 2023/2413 dite RED II, 2023/2413 dite RED III et 2019/944.

[31REKK, The changing regulatory landscape of household self‑consumption, juin 2024.